L’existence comme mission –
Nous sommes dans le monde parce que nous y avons été envoyés. Le Christ pense, non à « nous retirer du monde », mais à « nous garder du Malin » : relisons tout Saint-Jean, surtout le chapitre 17 (notamment 15-18). Disciples du Verbe et Messie, et membres de son Corps, notre présence dans le monde est bénie. Par la foi, le baptême, l’onction du saint Esprit et la participation à l’Eucharistie, nous actualisons la présence corporelle du Seigneur parmi les hommes. « Le Christ est parmi nous », affirmons-nous dans la sainte Liturgie. Et, par lui, avec lui et en lui, les baptisés sont parmi les hommes, au milieu d’eux, intimement mêlés à la société humaine et à la Création tout entière. Les moines eux-mêmes se font tels, non contre le monde, mais pour lui.
La souillure
Le monde ne nous souille pas ! Quelquefois, plutôt, nous le souillons par nos pensées, nos paroles ou nos actes. L’enjeu du repentir est, entre autres, de purifier le monde du pécheur que je suis. Aussi les chrétiens ne se préservent pas de la contamination du monde ; ils cherchent plutôt à ne pas le contaminer ! L’appel à la sainteté, enjeu principal de la vie de baptisé et de la vie humaine tout court, n’est pas égoïste : il est gouverné par l’amour pour les hommes. Comme le rappelle l’anaphore de saint Basile, par un pécheur la mort et la souffrance entrent dans le monde et le souillent ; par un saint, le monde est sauvé.
Le Christ et le monde
Le Sauveur Jésus Christ ne s’est pas souillé en venant dans le monde. Bien au contraire, rempli de la grâce du saint Esprit, Il l’a purifié du péché endémique et de ses conséquences : l’asservissement à la mort. Il l’a purifié de la peur, de la méchanceté, de l’inhumanité, de la violence, de la rapacité et de la convoitise. En se faisant chair et se faisant homme par l’Esprit, Il a purifié en la Vierge toute l’hérédité humaine qu’elle portait, l’impureté de son peuple et de l’humanité entière. Par sa vie pleine d’obéissance au milieu des hommes, Il purifiait la société de l’intérieur ; par son baptême, il lavait, non seulement l’eau du Jourdain, mais toute la mémoire d’Israël ; par sa parole inspirée de l’Esprit, Il sanctifia l’air que l’on respire ; par sa Passion vivifiante, Il purifia la mort et son séjour ; par son ensevelissement, la terre ; par sa résurrection et son exaltation comme homme parfait et divinisé à la droite du Père, Il purifia et sanctifia le cosmos tout entier, visible et invisible. Ensuite, Il envoya d’auprès du Père qui en est la source, l’Esprit et feu purificateur et sanctifiant…
Que faire pour le monde ?
L’actualité dans laquelle nous sommes plongés est pleine de cris et d’inquiétude. Ne nous trompons pas de combat. Nous pouvons agir en faveur du monde pour lequel Dieu a donné sa vie par amour. Nous pouvons agir de l’extérieur par toutes sortes d’initiatives sociales et politiques de bon aloi ; nous agissons de l’intérieur par une prière continuelle, surtout de louange et de foi, et par le repentir. Ce que nous pouvons faire de mieux pour le monde, c’est d’être saints. Celui et celle qui se sanctifie en Dieu introduit dans le monde l’humanité véritable dont celui-ci a besoin.
« Soyez saints ! »
Nous n’avons rien d’autre à faire que d’être saints, et de sanctifier ainsi le monde de l’intérieur, non seulement par la prière de notre cœur profond, mais par la célébration eucharistique. Chaque fois que nous réactualisons avec le Christ son suprême sacrifice non sanglant, chaque fois que nous communions en vérité à son Corps très pur et son Sang très précieux, nous œuvrons pour le Salut du monde. Le saint Sacrifice que couronne l’Esprit du Père transforme de l’intérieur la société des hommes et la Création tout entière parce qu’il opère la divinisation de l’homme.