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Dixième dimanche après la Croix : Luc 12, 16-21

SergeChevitch

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La pensée de la mort –

L’évangile de ce jour nous invite à développer ce que les pères appellent la « mémoire de la mort » – la conscience réaliste de la fragilité de notre existence et de tout ce qui nous entoure. La pensée de la mort est particulièrement liée au temps du jeûne de la Nativité, appelé « Avent » en Occident, ce qui veut dire la « venue ». Le Symbole de la Foi dit littéralement à propos du Christ : « De nouveau, avec gloire, Il vient ». Le souvenir de la mort est une conscience de la venue du Seigneur dans notre vie : « cette nuit même on va te redemander ton âme ». « On » est mis pour Dieu. La mort n’est pas la cessation de la vie ; elle est la mutation de la vie.

Un style de vie

Mais elle interrompt toutefois tous les processus liés à l’existence corporelle et matérielle. L’« insensé » continue à développer ses petits projets, comme si tout cela devait durer, sinon éternellement, du moins indéfiniment. L’Avent nous exerce à vivre comme des veilleurs : certains saints ont été avertis par Dieu du jour de leur repos ; la plupart d’entre nous l’ignore. Mais nous savons qu’à tout moment le Seigneur peut intervenir : Il est le Maître et Il n’a pas besoin de prendre rendez-vous ! « Il vient, dit l’apôtre Paul, comme un voleur dans la nuit » (1 Th. 5, 2). Imprévisible ! Pour prévoir l’imprévisible, soyons prêts à chaque instant ; anticipons le jour et l’heure de la  venue miséricordieuse du Seigneur de notre vie. David en son psaume lui demande (Ps. 38, 5): « fais-moi connaître le nombre de mes jours ! »  Réponse du Christ : disons, cette nuit même !

« Carpe diem »

Le starets Serge (Chevitch) disait qu’« il faut vivre chaque jour comme s’il était le dernier », le seul que l’on ait devant soi. Au fond il s’agit de vivre au jour le jour, en l’appréciant comme un cadeau. L’avenir, en effet, n’est pas très loin. Préparer l’avenir, c’est vivre au présent et s’en remettre à Dieu pour l’avenir, car c’est Lui le Maître du temps. Il y a donc un style de vie propre à l’Avent. Le Starets disait encore : « ce qui doit nous préoccuper, c’est comment nous sommes dans le présent, c’est l’état dans lequel nous sommes susceptibles, actuellement, de comparaître devant Dieu ». La « mémoire de la mort » est une disposition permanente à la venue du Seigneur et au départ de cette vie.

« À l’approche »

Serge parlait d’un voyageur qui attend sur le quai de la gare : le train doit arriver à tout moment, « à l’approche », dit la signalisation – soyons prêts à y monter. « Veillez, dit le Christ, car vous ne savez ni le jour ni l’heure » (Mt 25, 13). « S’enrichir en vue de Dieu » veut alors dire préparer ses bagages, être prêt pour la venue et pour le départ. Comment ? – en étant en paix avec tous ; en cultivant un repentir permanent, c’est-à-dire ne se justifiant jamais ; la Venue du Maître, ou le départ du train qui nous conduit chez lui, doivent nous trouver prêts à rendre compte de notre vie, et entourés de la gratitude de tous ceux à qui nous avons partagé de notre temps et de notre avoir.

S’enrichir

Qui fait l’aumône reçoit, pour l’argent matériel, l’argent incréé de la grâce. Il s’enrichit « en vue de Dieu ». Nous donnons, et nous recevons. La gratitude de ceux qui reçoivent de nous n’a pas de prix. Nous héritons également du Seigneur la richesse d’un cœur charitable, trésor précieux pour monter dans le train du Royaume. La mémoire de la mort est un projet. Faisons des projets, non pas tous seuls, comme si Dieu n’existait pas, mais avec lui ; des projets pour ce monde, bénis par lui, bien sûr ; mais, surtout, des projets d’avenir, pour la vie vers laquelle nous allons, des projets pour après les limites de cette vie, dans un temps transfiguré.

Construire un projet

Veiller, c’est se souvenir de la mort, et construire son projet « en vue de Dieu ». Nous pouvons, ainsi, aider nos anciens, ou nos jeunes, à faire des projets avec Dieu, à l’âge plus tendre ou à celui de la vieillesse, – un projet « en vue » du Seigneur qui viendra, tôt ou tard, immanquablement, les appeler en leur disant : « suis-moi ! ».

> Photo du Starets Serge Chevitch

(Radio Notre-Dame, « Lumière de l’Orthodoxie », 19 novembre 2017)