En pleine douleur de la séparation du 4 avril dernier, nous essayons d’avoir des sentiments chrétiens, et de transcender ou transfigurer l’horrible mort en repos serein, en belle dormition. Père Jean – et non « le père », comme si le nom de « père » était un nom commun -, cher, bien-aimé Père Jean, nous vous remercions avec des larmes de deuil et de gratitude, pour le magnifique témoignage de foi que vous nous avez donné, à nous et à notre monde. Merci, Père Jean, pour votre fougue, votre intransigeance, votre sincérité, votre lutte avec désespoir pour la vérité de la Foi.
Nous retrouvons, dans notre mémoire blessée par votre retrait, les souvenirs glorieux de l’autorité avec laquelle vous avez parlé des enjeux de la vraie foi devant les défis de notre époque. Avec compétence, avec professionnalisme, vous nous avez enseignés, vous avez sonné l’alarme, le tocsin, pour que la société ne soit pas soumise sans défense à la menace de la déshumanisation.
Vous traduisiez les pages admirables du saint et grand Père Dumitru Stàniloae : vous y trouviez le fondement de vos propres convictions et de tout votre amour du Christ et de son Église. Vous êtes médecin, théologien, polémiste, apologète orthodoxe, mais vous êtes avant tout prêtre et, à ce titre, père spirituel. D’innombrables personnes, en comptant particulièrement les étudiants du Centre Dumitru Stàniloae, vous doivent la vie – c’est-à-dire la vie de l’âme, de l’intelligence et du cœur.
Permettez, Père Jean, que nous évoquions ici, avec un sourire plein de larmes, avec douleur et nostalgie, et avec une joie qui ne fera que croître dans la durée de notre deuil, permettez que nous évoquions votre sourire ! Votre beau visage roumain intelligent, éclairé par l’humour, par la bonté, par le sourire simple d’une personne qui ne se prend pas au sérieux – alors que tous, nous vos collègues et vos étudiants, nous vous prenons extrêmement au sérieux, et nous prenons extrêmement au sérieux tous vos avertissements en ce qui concerne les impostures variées qu’assument les apprentis sorciers de notre époque. Oui, votre visage, icône de votre belle âme orthodoxe, sourit avec une lumière sereine. La grande inquiétude qui vous a tellement tourmenté ces dernières années est surmontée par l’espérance.
On n’ose pas, parce qu’on n’est pas toujours audacieux – on n’ose pas mettre les grands malades croyants au rang des saints martyrs. Et pourtant, nous n’arrivons pas à vous voir autrement, à faire mémoire de vous sans vous associer aux saints martyrs « qui ont souffert vaillamment », comme dit le chant liturgique. Au sein d’effrayantes souffrances corporelles, tourmenté en votre âme par une immense angoisse pour le monde et pour l’Eglise, vous n’avez pas défailli ; vous avez été, au long de tant d’années de maladie, et notamment de ces derniers mois de si pénible persécution, un vrai et digne confesseur de la Foi.
Sans nous permettre de déposer sur votre beau visage le baiser d’un ami, d’un frère et d’un concélébrant, nous osons toutefois, en fils spirituels, embrasser votre main, « sàrutem dreapta, Pàrinte drag ! » Faites mémoire de nous devant l’autel d’en-haut, « sà ne pomeniti pe noi la sfântul altar din Sus ! » Les justes, les saints et les martyrs que le Seigneur appelle auprès de lui, sont invités à un ministère plus grand, et admis dans l’amour compatissant du Fils qui, à la droite du Père, envoie l’Esprit sur l’Église et sur le monde.