« […] John referma derrière lui la porte du presbytère et, tandis qu’une cloche sonnait d’une voix d’or six heures du matin, la beauté de son jardin, de la pelouse et de sa bordure de fleurs annuelles, dans l’immortelle fraîcheur de l’aube, l’émerveilla.
Il se crut au Paradis avant la chute de l’homme, dans ce lieu pourtant familier, et sentit une chanson s’élever de son âme. Sa stupéfaction se dissipa sans qu’il cessât de s’émerveiller de la splendeur éthérée de ce matin d’avril, où le monde entier semblait tiré d’un arc-en-ciel. La qualité de la lumière prêtait à tout le paysage une légèreté exquise, et John, saturé de cette même lumière rosée, perdit le sentiment du poids de son corps, de son esprit et de son âme.
Une alouette chantait et, quand il eut refermé la porte de l’église, il continua de l’entendre. Sur l’autel un rayon de soleil déversait son or sur les jonquilles. John tomba à genoux dans un état voisin de l’extase. Sa prière ne serait pas aujourd’hui indigne du Dieu dont il recevait tant de bienfaits. Il pourrait s’épancher en une adoration dont aucune pensée mauvaise ne le distrairait, avec un abandon de sa volonté absolu, en un pur hymne d’amour.
Il posa sa tête sur ses bras croisés et soupira profondément, emporté vers l’Au-delà par une telle ferveur que son corps n’existait plus pour lui […] ».
(Elizabeth Goudge : Le jardin de Belmaray, Paris, Plon, 1957, traduit de l’anglais)