Remise des dettes –
Dans la Loi et les Prophètes, Dieu remet les dettes que le croyant a à son égard : « bienheureux l’homme à qui Dieu ne compte plus son péché » (Ps. 31, 2). L’acquittement répond à une conscience humaine : « j’ai reconnu mon péché » (4). Et Dieu Lui-même se fait Homme, prenant sur lui-même les dettes et les réglant en lui-même. En lui-même s’accomplit le mystère de la réconciliation de l’homme et de Dieu. Il se met à la fois dans la position de l’accusé et dans celle du juge. Il est à la fois Celui qui paye pour la faute et Celui qui « lave toutes les iniquités » (Ps 50). Il accomplit cela principalement le grand Samedi, septième jour, grand Shabbat, quand, en tant que Dieu, Il se retire jusque dans les enfers pour délier Adam.
La grâce
La grâce sanctifiante – énergie divine et créatrice – du pardon jaillit de la Croix. Le miracle est, non seulement l’absolution d’une dette souvent insolvable, mais encore la guérison du péché, véritable maladie. Gloire à l’amour gratuit de Dieu, purification, renouvellement intérieur du baptême, au-delà de tout « mérite », par le pardon ! Nous avons foi dans la parole divine « ce qui est délié sur terre, l’est dans les cieux » – objectivité du pardon. Nous ne ressentons pas toujours le pardon, mais nous le croyons toujours et nous faisons des offrandes pour rendre grâces !
Nous recevons également la grâce du repentir : horreur douloureuse de nos péchés – qui nous fait les haïr et nous éloigne d’eux à jamais – et bouleversement du cœur par la gratitude. Le repentir intègre la grâce incréée du pardon, y fait communier, l’assimile, la rend véritablement opérante dans notre vie.
Le ministère de l’Église
Seul le Christ Dieu, par le saint Esprit, et accomplissant la volonté du Père, délie et pardonne. L’Église, son Corps, est l’unique Instance du pardon divin : elle exerce une compétence à la fois juridique (remise de la dette) et charismatique (grâce de faire la volonté du Père). En elle nous pouvons faire appel de tout jugement humain – à plus forte raison de toute condamnation (« Je ne te condamne pas… va et ne pèche plus », Jean 8, 11).
Jésus Christ, dans le baptême et dans la « confession », ou sacrement du pardon, délie et pardonne par le ministère confié aux apôtres (« recevez le saint Esprit… ceux à qui vous pardonnerez, il sera pardonné… » Jean 20, 23). Évêques et prêtres n’exercent pas ce « pouvoir souverain » à la place du Christ ou en son absence : c’est Lui-même au contraire que le saint Esprit rend présent et qui agit par le commandement objectif qu’Il leur a donné et qui dépasse leur compétence individuelle.
Tout chrétien
Le Peuple des baptisés également a la grâce et le commandement de pardonner. Tous les baptisés ont part au sacerdoce du Christ qui pardonne. La réconciliation avec l’Église après une faute grave relève de l’Évêque ; mais la disposition continuelle à pardonner, qui est proprement divine, est communiquée à tout chrétien dans le saint baptême. La tâche de tout chrétien est, non seulement de pardonner à l’intérieur de l’Église, mais d’introduire dans le monde le charisme du non jugement et de la remise des fautes. Cet élargissement à toute l’humanité, à tout « prochain », annonce le Jugement : en cette Heure, les chrétiens, sûrs de pouvoir être pardonnés de leurs propres fautes, intercèderont devant le trône divin pour le monde entier, pour tous les hommes, pour ceux qui croyaient et ceux qui ne croyaient pas, pour les justes et pour les moins justes.
« Pardonne-moi et prie pour moi ! » : cette demande continuelle atteste les uns dans les autres la capacité et la compétence pour intercéder auprès de Dieu qui seul, en dernière instance, remet les dettes. Nous nous manifestons comme la communauté divino humaine qui a le pouvoir et la volonté de pardonner à titre personnel et d’implorer pour autrui le pardon du Seigneur. Pardonner, demander pardon, prier Dieu qu’Il pardonne, constituent l’essentiel de l’activité chrétienne et la source de toute action extérieure.