« Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                   « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                  « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                  « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                   « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                  « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                    « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                   « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                  « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »              « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                   « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! »                  « Gloire à ta miséricorde infinie, Seigneur, gloire à toi ! » 

Une communauté spirituelle. Autour d’un fragment de saint Maxime le Confesseur

Maximus_Confessor

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L’unité –

Il est toujours utile de réfléchir, même brièvement, à ce qui fonde et maintient liée une communauté, à ce qui anime le don de l’amitié, celui de recevoir celle des autres ; ce vaste problème a toute une histoire, dont on ne saurait, dans la note frugale qui suit, dénouer les fils. Quelques lettres de la correspondance de saint Maxime le Confesseur nous touchent particulièrement et la lumière paisible qu’elles irradient nous est donnée à semer dans la communauté, dans nos vies et rencontres quotidiennes. Un fragment d’une de ses lettres est d’une clarté troublante à cet égard :

Tous pour un…

« En se séparant de lui-même de plein gré et en rompant avec les raisons et pensées particulières qu’il édifiait en soi-même, chacun est ainsi amené à la simplicité et à l’identité de vue [avec les frères]; dès lors, nul n’est plus séparé par rien de la communauté ; tous pour un, un pour tous, ou plutôt avec Dieu et les uns avec les autres. » (Lettre II de Maxime le Confesseur à Jean le Cubiculaire, PG 91, 393A)

Identité de vue

Un autre fait, tout aussi édifiant, c’est qu’il ne s’agit pas de simples artifices rhétoriques dans sa correspondance ; c’est une chose bien connue qu’en ce début du VIIe siècle byzantin, la rhétorique la plus belle est nourrie en profondeur de théologie et de philosophie. Saint Maxime rappelle dans ces quelques lignes la présence vivifiante et originelle d’un arrière fond qui nous échappe bien des fois, que nous entrevoyons à peine : l’identité de vue, dont la simplicité traverse pourtant l’éclaircie entière. C’est l’abandon des « raisons et pensées particulières » qui la rend manifeste.

Préférer ce qui unit

Le renoncement à ce qui obscurcit la vue, cela demeure néanmoins notre devoir, même si ces pensées particulières portent l’empreinte de notre être. On ne cesse jamais de surgir de l’obscur – cette ouverture finie de la vérité, essentiellement temporelle ; mais ce surgissement peut également remodeler l’être en le réorientant véritablement vers Dieu. L’identité de vue retrouvée, parfaite transparence devant la présence éternelle de la Vérité, manifeste ainsi, en la fondant, notre appartenance à une communauté, intégrant la tradition et la transmission.

L’amitié dans le Christ

Cette vie en communauté, évoquée par saint Maxime, et l’amitié[1] en Christ dont elle se nourrit, devraient néanmoins être vécues dans l’anonymat, dans le parfait effacement de soi, dans le dépouillement entier de tout orgueil et en récusant les discussions oiseuses : « les vérités se meurent à cause des fils des hommes ! Chacun raconte à son prochain des vanités. Ils ont dans le cœur des lèvres fausses, et dans le cœur ils profèrent le mal. » (Ps. 11) L’amitié en Christ devient difficilement reconnaissable lorsqu’on y remplace la douceur spirituelle par la domination militaire ou les coups de pique, la profondeur théologique par la politesse indifférente.

Douceur de l’amour du Christ

La foi véritable en Christ consiste à être éclairé à chaque instant de la vie par la douceur de son amour. Nous y échappons à l’égoïsme et à la méchanceté à proportion de la place que tient dans notre âme la foi authentique en Christ. Bien des fois, hélas, les replis du cœur enferment une cavité vide d’amour, préoccupés comme nous le sommes à « purifier l’extérieur de la coupe et de l’écuelle, quand l’intérieur en est rempli par rapine et intempérance » (Matthieu 23, 25). Le jugement d’autrui, les ragots, le refus de l’écoute –  il y a là une blessure, un manque de probité chrétienne et il est impossible que cela plaise à Dieu :

Le péché-rupture

« Et si quelqu’un, qui n’a qu’un geste à faire pour cela, détourne son regard des éprouvés, c’est la rupture aussi bien d’eux avec lui que de lui avec Dieu qu’il manifeste, parce que son jugement ignore la nature, ou plutôt parce qu’il corrompt le bien inhérent à la nature par son propre jugement. » (Lettre III de Maxime le Confesseur à Jean le Cubiculaire, PG 91, 408C)

L’obéissance au Seigneur Jésus

Plus que tout, la prêtrise doit être vécue aujourd’hui comme promesse pure et incessante devant Dieu et devant chacun de ses serviteurs, la part la plus importante du magistère d’un prêtre étant celle de témoigner, par son être même irradiant l’amour, ce que signifie aimer entièrement. De même pour les laïcs, être dans l’Eglise signifie obéissance entière au Christ, amour renouvelé sans cesse, dans la simplicité et l’identité de vue avec les Pères, spirituels et confesseurs, et avec toute la communauté. C’est là une obéissance entière au Christ et aux Pères, mais qui n’est pas pour autant soumission sans discernement aux décisions de l’Église terrestre. On peut aimer cette Église terrestre sans glisser dans l’idolâtrie, justement parce que l’Église n’est pas l’expression institutionnalisée du clergé, et parce que nous tous, nous formons l’Église et nous l’aimons ; nous sommes tous responsables de cet amour et il nous appartient de le témoigner humblement :

Accueillir le message divin

« Ainsi les preuves les plus convaincantes de l’efficacité de mes propos, c’est l’ardeur de mon maître à suivre ce qu’ils prônent ; je n’empêcherai jamais, selon ce qui est écrit, mes lèvres de lui dire ce qui est utile, à lui, à moi et à d’autres, pour autant que je sois capable de recevoir la grâce de saisir avec l’intelligence et de dire avec piété ce que Dieu me confie, qui donne à tous simplement et sans reproche. » (Lettre V de Maxime le Confesseur à Constantin le Sacellaire, PG 91, 421D)

Plein de sa présence

Nous ne sommes pas réceptacles du Christ uniquement lorsque nous célébrons ou lorsque nous prions, devant l’autel ou devant nos icônes. Il faut témoigner de sa présence en chaque instant de nos vies ; seule sa présence peut faire en sorte que chaque fibre de l’être s’oublie et s’épanouisse dans l’amour. Être chrétien révèle également cette absence d’attachement à soi et la profusion d’amour envers la totalité de la création.

Une époque de renouveau

On n’a pas besoin de s’assurer de l’orthodoxie d’autrui pour offrir son écoute et son amour ; bien plus: il faut refuser de distinguer entre orthodoxes et non orthodoxes, croyants et non croyants. L’universalité est implicite à l’Orthodoxie, mais l’époque que nous vivons est de telle sorte que cette universalité doit être plus que jamais manifeste ; plus que les sermons et les communiqués, elle doit insuffler chaque mode d’être, chaque instant de nos vies, en renouvelant nos cœurs, enveloppés souvent par une couche épaisse d’indifférence aride. C’est l’époque même qui exige ce renouveau et de sa profusion naîtra peut-être une forme nouvelle de miracle ; le monde en a besoin, aujourd’hui plus que jamais, et là où il y a besoin, il y a aussi devoir. (Ana Schiavoni-Palanciuc)

[1] Notons que dans tous les écrits attribués à Saint Maxime que l’on garde, l’auteur alterne constamment les deux termes, philia et agapê, pour nommer l’amitié.