Ce rapprochement* entre deux solennités que tout oppose a priori (exubérance pour l’une et austérité pour l’autre), tient beaucoup plus à leur nature profonde qu’à leur euphonie. En effet, Pourim et Yom Ha-kippourim correspondent à deux moments forts de l’année hébraïque, durant lesquels il nous est donné de nous voir tels que nous sommes et non tels que nous nous représentons ou à travers la représentation que les autres se font de nous ; en un mot, déguisés. Pourim et Kippourim constituent deux modalités de dévoilement, la joie et le recueillement, susceptibles de « faire tomber les masques ». Rentrer en soi à Kippour, par le jeûne et la prière. Sortir de soi à Pourim, par le festin et le vin. Pour nous voir tels que nous sommes. Les Sages enseignent que « l’on découvre un homme dans trois situations : Békosso, békisso oubéka’asso / son verre, sa poche et sa colère ». À la manière dont il se comporte en état d’ébriété, dans son rapport à l’argent et dans sa colère. Durant le repas de Pourim où, curieusement, la Halakha recommande de s’enivrer, tout ce que nous refoulons par convenance, mais qui correspond en réalité à ce que nous sommes réellement, émerge. Le judaïsme confirme ainsi, une fois de plus, qu’il est une pensée éminemment paradoxale : Les fêtes de Pourim et de Kippourim ne sont, en définitive, pas si différentes, en dépit des apparences…
Rabbin Michael Azoulay
* Cette comparaison est traditionnellement attribuée au Qabbaliste de renom, le Ari Haqaddoch (1534-1572).
(La Lettre du Rabbin, 12 mars 2014)