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Le frère des rues

Madeleine Delbrel

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Nos frères les pauvres –

Dans Paris, dans le métro et dans les rues, on ne peut faire un pas sans croiser un SDF ou quelqu’un qui tend la main. Cela crée souvent une culpabilité énorme : comment faire, au nom de l’amour du frère ? Mon âme est avare, je le sais, mais comment donner à chaque fois, à chaque arrêt de métro ?

Dieu avec nous

« Des pauvres vous en avez toujours avec vous, et vous pouvez leur faire du bien quand vous le voulez, mais Moi vous ne m’avez pas toujours ni pour toujours » (cf. Mat 26, 11 ; Marc 14, 4-8 ; Jean12, 8). Les réalités sociales sont perceptibles au prisme de la parole évangélique. Tout baptisé, disciple du Christ, vit avec l’Évangile à portée de main. Tous les jours, nous pouvons faire du bien aux pauvres, au lieu de passer à côté d’eux sans les regarder, comme faisait le mauvais riche (Luc 16, 20). Ils sont pour ainsi dire à notre disposition, offerts à notre cœur et à notre main fraternelle.

Les pauvres avec nous

Ils sont également « avec nous » parce que, si nous sommes avec eux, ils sont nos défenseurs devant Dieu à cette heure et à l’heure dernière. Les SDF et les mendiants de nos villes sont nos amis, et nous pouvons être leur ami, comme l’est le Seigneur Lui-même, la Parole le dit sans cesse. Mais, l’important, c’est d’avoir le Christ Seigneur avec nous, toujours, et pour toujours ! Cela veut dire voir dans chaque visage de pauvre le visage du Dieu-Homme, comme Il nous l’enseigne Lui-même : ce que vous faites au plus petit d’entre vous, c’est à moi que vous le faites. Ainsi, si la dureté de notre cœur se brise, nous aurons avec nous, et les pauvres et le Christ !

Un appel personnel

À la demande du frère des rues il ne peut y avoir qu’une réponse personnelle, suivant l’inspiration du saint Esprit et suivant l’âge spirituel, l’état de conscience et la vocation de chacun. Par exemple, l’un s’assoira dans la rue près du frère et l’écoutera longtemps; un autre donnera de l’argent à chaque frère rencontré: il aura pour cela sur lui une petite bourse spéciale pour les pauvres, remplie chaque matin et dépensée dans la journée; un autre encore, fera des courses au magasin et distribuera de la nourriture aux frères des rues; celui qui se sera assis à ses côtés aura peut-être appris pourquoi ce frère vit dans la rue, et découvert une ou plusieurs solutions, parce qu’il n’y a pas deux semblables frères des rues, chacun à son histoire.

Il y a des réponses générales, qui appartiennent, par exemple, aux municipalités ou aux associations; et il y a les réponses et les réactions personnelles produites par chacun d’entre nous, sans culpabilité, sans sentiment de devoir ou d’obligation, simplement sous la guidance de l’amour. C’est l’amour pour le Christ, et l’amour pour son amour pour le frère et le prochain qui forment le vecteur de notre comportement fraternel. Pensons au chapitre 25 de l’Évangile selon saint Matthieu, qui est la charte du service et de l’amour des pauvres, et de tout l’apostolat social. L’Esprit saint nous invite à acquérir l’amour du Christ pour les frères.

Il y a de belles pages sur nos frères sans domicile fixe dans « Nous autres, gens des rues » (Livre de vie, Paris, Le Seuil, 1966) de Madeleine Delbrêl : « La pensée du Christ. Nous ne sommes pas des libres penseurs. Dans le secteur du monde où nous sommes, nous ne sommes pas libres de laisser modifier la pensée du Christ par la pensée du monde ; et cela n’est pas toujours facile […] L’amour du Christ est universel. Tout amour des uns qui nous ôte l’amour des autres n’est pas l’amour du Christ » (p. 116). Ne jamais oublier que le Christ est présent dans le frère qui mendie.