Remarquable ! –
Les Russes sont courageux et clairvoyants. Nous, les Français, n’avons jamais fait cette démarche de repentir collectif, après les carnages (et notamment le génocide des Vendéens) et les sacrilèges de notre Révolution, et les divisions demeurent fortes au sein de notre société. Aidons nos frères russes dans cette démarche spirituelle, qui, je n’en doute pas, s’étendra aux pays victimes de l’Etat soviétique, toutes les nations d’ Europe orientale tombées sous le joug communiste à la fin de la 2ème guerre mondiale (et je pense particulièrement à nos frères roumains).Ce serait une bonne chose pour le monde entier que ce 30 octobre soit consacré à la mémoire de toutes les victimes du communisme et qu’on célèbre dans toutes les Eglises un office pour ces millions de défunts.
Que Dieu leur accorde une mémoire éternelle !
P. Noël TANAZACQ
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Voici quelques extraits de l’émission « L’Eglise et le monde » Церковь и мир chaîne Rossya 24. Le métropolite Hilarion s’y entretient avec l’historien du stalinisme Oleg Khlevniouk.
Le métropolite Hilarion : « Nous commérons chaque année le 30 octobre la mémoire des victimes de la répression communiste. Le XX siècle est marqué dans l’histoire du pays par une sanglante terreur qui a emporté des millions de victimes. Les chiffres réels font jusqu’à présent l’objet de débats. Comment nous faut-il appréhender les années 20 et 30 du siècle dernier et ce qui a suivi. On nous dit que parler de tout ceci risque de conduire à des dissensions alors que notre vocation consiste à contribuer à la paix sociale. Certains estiment qu’il est préférable de passer ces années sous silence et de ne pas faire mention de ces terribles évènements.
L’Eglise a dit et répété qu’étouffer ces souvenirs ne conduit pas à l’instauration de la paix au sein de la société. Nous avons au Concile de 2000 canonisé les Nouveaux martyrs et confesseurs.
Ce ne sont pas toutes les victimes de l’arbitraire, loin de là, que nous avons promulgués saints. Il s’agit seulement de ceux qui ont souffert pour leur foi et qui ne l’ont pas abjuré. Près de 1.500 victimes du communisme sont désormais considérés comme saints. Nous avons également dit que sont saints ceux dont les noms sont restés inconnus et que Dieu seul connaît. Cela seul témoigne de l’ampleur du problème.
O. Khlevniouk : Les arrestations des hiérarques de l’Eglise orthodoxe russe ne sont que la partie visible de l’iceberg. C’est, en réalité, une multitude innombrable de croyants qui ont péri. Le pouvoir considérait qu’ils manquaient de loyauté à l’égard du régime soviétique. La paysannerie russe, l’intelligentsia multiethnique, toutes les autres couches de la société n’ont pas été épargnées. Il s’agit de millions et de millions de personnes. De par le passé nous avons connu l’instauration de nombreux tabous. Mais tôt ou tard le sujet de la répression refera surface. Il nous faut aujourd’hui traiter le problème avec sérénité et contribuer à la prise de conscience de cette tragédie qui, maintenant, appartient au passé. Il nous appartient de tirer les conclusions qui s’imposent.
Mgr Hilarion: « Tirer les conclusions », comme vous avez raison. Il nous parler de cette terrible époque. On nous dit qu’il nous faut fermer les yeux sur la répression afin de ne pas porter ombrage à tout ce qu’il y a eu de bien dans notre histoire, le progrès technique, la victoire de 1945… Bien sûr, il en est ainsi mais cela n’amoindrit en rien le courageux sacrifice accepté par les victimes innocentes.
Tout a commencé par la « terreur rouge » qui s’est employée à exterminer les intellectuels, les nobles, les non conformistes, les paysans aisés (« les koulaks »). Le résultat, entre autre, en a été la disparition de la notion même de propriété foncière et de travail de la terre. Une terrible famine en a résulté.
Nouvelle vague de terreur dans les années 30. Cette terreur était aveugle et totale : militaires, intellectuels, peintres, musiciens, écrivains, ingénieurs. Et des millions de gens simples.
O. Khlevniouk: Nous devons accentuer ce qu’il y a eu de positif et ce qu’il y a eu de terrible dans notre passé. De par notre nature nous voulons et nous exigeons la justice pour nous-mêmes comme pour nos ancêtres. Certains vont jusqu’à penser que la répression allait de soi. D’autres sont convaincus du contraire. Nous commémorerons l’année prochaine le centenaire de la révolution ainsi que l’enclenchement, en 1937, de la « Grande Terreur ». Pendant la guerre des amnisties partielles ont été promulguées, certains ont été libérés des camps.
Les victimes, souvent des personnes de talent, ont été passées par les armes alors qu’elles pouvaient être plus qu’utiles au pays. La répression se faisait en vertu de décisions administratives, extra légales et en violation de la Constitution.
Mgr Hilarion : Ce n’était pas simplement une violation de la loi mais une profanation de la légalité. Le meilleur exemple en sont les fameux procès de Moscou en 1937-1938. Les accusés suppliaient le tribunal de les faire fusiller.
Nous commémorerons en 2017 le centenaire de deux révolutions : celle de Février et celle d’Octobre 1917. Que nous le voulions ou non mais il nous faudra nous remémorer de tout ce qui est advenu pendant ces cent ans. Nous avons, dans le cadre du Conseil ecclésial suprême, réfléchi à la conception qui doit à la base de la commémoration par l’Eglise de tous les évènements qui se sont produits depuis 1917.
Il nous faut tracer une ligne de démarcation précise et univoque entre le bien et le mal. Il nous faut nommer les actes inadmissibles et qui ne doivent pas se répéter tout en montrant ce qu’il y a eu de positif dans l’histoire du pays.
O. Khlevniouk: Les archives de la NKVD disent que plus de 200.000 espions ont été arrêtés en 1937 et 1938. Chiffre totalement irréel car il est impossible en deux ans seulement de démasquer un tel nombre d’ennemis. La société en est sortie traumatisée. L’espionnite, la xénophobie, la défiance y régnaient. On essaye aujourd’hui de nous expliquer que les autorités n’y étaient pour rien et que les gens les inondaient de dénonciations spontanées. Le traumatisme moral qui s’en est suivi s’est avéré durable.
Mgr Hilarion : Il est d’une grande importance de remettre de l’ordre dans notre remémoration de l’histoire. Les consciences étaient viciées, souvent les délations n’avaient pour but que de s’emparer de la pièce des voisins, il s’agissait d’appartements « communautaires ».
En 2017, que nous le voulions ou non, le thème de la répression refera surface et il nous faut dès maintenant faire de sorte à ce que le débat soit objectif et véridique. Nous sommes fiers de notre pays, de son passé, il est d’autant plus inconcevable de dire que le mal est le bien, ou que le bien est le mal. Il faut nommer ceux qui se sont rendus coupables de ces crimes effectués en série, il nous faut en parler, cela au nom de la justice et de l’avenir de la Russie.
Traduction Nikita Krivochéine