Le vrai chrétien, clerc ou laïc, inspiré par l’Évangile, a le devoir moral décisif de se rapporter de manière lucide et appropriée à la réalité, surtout lorsque celle-ci est marquée par l’injustice, la haine idéologique et le meurtre de milliers et de milliers d’innocents dans une guerre déclenchée par un personnage antichristique émergent, qui se présente, par des gestes d’inversion luciférienne, comme le père attentionné de la patrie, le bienfaiteur des peuples, le protecteur du christianisme ou le plus grand fondateur d’églises.
Le vrai chrétien, mais pas le chrétien imaginé, réagira, dans un tel contexte, empesté par la souffrance et la mort, par des actes moraux et des paroles claires de paix, en séparant la justice de l’injustice, la vérité du mensonge, la complicité de l’honnêteté, la cruauté de l’humanité, sans diplomatie inutile, même ecclésiastique. Le vrai chrétien appellera le mal mal et le bien bien.
Le vrai chrétien ne se lancera pas aveuglément dans le champ des fausses nouvelles émises par la perfide propagande anti-européenne, car il est naturellement fidèle à la vraie Europe chrétienne. Il ne se lancera pas non plus dans des discours contorsionnistes d’apaisement, ni dans des sermons pleins d’ornements byzantins, de citations poussiéreuses et de lieux communs sans aucun sens ni tangence avec la cruelle réalité qui l’assaille.
Et surtout, le vrai chrétien ne confondra pas les esprits, ni les personnages du récit historique européen (dont il fait lui-même partie), en ne distinguant pas les victimes de leurs agresseurs. Car le vrai chrétien possède la clarté et l’imagination morale, la sagacité spirituelle, en étant capable de discerner entre ce qui est permis et ce qui est utile, entre ce qui est possible et ce qui est interdit, entre ce qui est obligatoire et ce qui est facultatif ou entre un primat authentique et digne de l’Église du Christ et un primat qui est moralement et chrétiennement déshonoré par une complicité cynique avec les choses les plus hideuses que l’homme sans Dieu est capable de commettre : la guerre de conquête, la terreur, la torture et le meurtre de masse de personnes que le Christ nous a gentiment ordonné d’aimer comme nous-mêmes, de ne pas écraser sous la botte lourde et envahissante de la mort.
Le visage déchiré par la guerre de son voisin oblige le vrai chrétien à sortir du confort chaleureux du christianisme du dimanche ou de salon et à faire ce qu’il voudrait que les gens fassent pour lui s’il était à la place de celui qui a besoin de lui aujourd’hui.
C’est exactement ce que le clergé et les laïcs roumains, admirablement mobilisés par le bon sens chrétien, ont fait et font dans les archidiocèses de l’Église situés dans les régions par lesquelles les réfugiés sont arrivés jusqu’à nous à cause de cette guerre. Une guerre provoquée par une pathologie politique, par une vision clinique impérialiste et, scandaleusement, bénie, même implicitement, par quelqu’un qui, manquant totalement d’acuité morale, a identifié les “forces du mal” exactement là où elles font défaut, substituant ainsi habilement, mais de façon tout à fait déshonorante, l’agresseur à la victime.
La présence devant nous de l’autre, un pauvre homme devenu sans abri, exige de nous des gestes proportionnels à notre propre degré de christianisme, à la force de notre fibre morale, à la noblesse que nous ne savons même pas que nous avons. Ces gestes honorent grandement notre témoignage chrétien et la communauté à laquelle nous appartenons.
À un moment véritablement crucial pour l’Europe chrétienne, où la démocratie doit rester politiquement sacro-sainte, les chrétiens de toutes les confessions et de tous les peuples sont unis autour de valeurs morales universelles. Lorsqu’elles sont assimilées, ces valeurs agissent comme un antidote qui élimine de la société l’impulsion incontrôlée vers le meurtre de masse, vers l’atrocité comme passe-temps, vers l’agression contre les voisins, vers la suppression de la liberté et de la dignité des hommes. Nous devons tous ensemble passer l’épreuve du courage : confesser la vérité au bon moment, rester fermes contre la barbarie et lutter pour sauver à tout prix la civilisation du Décalogue et la culture européenne du dialogue – les cadres sains qui diminuent et peuvent même faire disparaître le grave danger pour notre salut que représente le fait d’appeler le bien ce qui est mal et le mal ce qui est bien.
Message du porte–parole de l’Eglise roumaine : Vasile Bănescu – (source: Orthodoxie.com du 5 mars – titre de la rédaction)