« Nous ne pouvons pas encore comprendre le mystère de la matière pneumatisée. En tous les cas, celle-ci sera élevée par l’Esprit jusqu’à un nouveau plan de l’existence, qui se distinguera de la matière animée de notre corps terrestre, bien plus qu’elle ne se distingue de la matière inanimée. […]
Cependant, personne ne peut décrire les fonctions mystérieuses du corps pneumatisé. Personne ne peut décrire sa sensibilité spirituelle, sa capacité d’expression, sa finesse dans les perceptions. Personne ne peut décrire l’état de la matière spiritualisée de l’univers dans son entier. Nous savons qu’en elle, il n’y aura ni corruption, ni vieillesse, ni mort, qu’elle aura une jeunesse éternelle, une lumière et une beauté pour l’instant inimaginables, qui la feront correspondre à l’état des corps ressuscités, en raison de la communication et de la solidarité de la matière de notre corps et de celle de l’univers.
En effet, même sans alimentation, sans élimination de matière, il existera une communication intense entre notre corps et celui de l’univers ; la matière ne sera pas complètement immobile, et elle ne sera pas non plus soumise à des agitations violentes. L’énergie matérielle se libérera des chaines présentes et se renforcera, stimulée par celle de l’Esprit suprême. La force de cet Esprit mobilisera cette énergie dans un ordre et une calme harmonie. Les lois de mouvement de l’énergie, et en premier lieu celles des corps, seront comblées par les lois de l’Esprit, de l’amour, et la matière se trouvera dès lors hissée à un plan supérieur.
Nous ne comprenons pas encore le contenu de cet état nouveau, si ce n’est en des termes naturalistes. Mais il sera l’effet d’une grande efficience de l’Esprit et toutes les nouvelles qualités de la matière s’en ressentiront. Nous voyons maintenant qu’il existe une matière jeune et une matière vieille, une matière dynamique, pleine de force et d’agilité, et une matière vieillie, alourdie, sclérosée. Considérons la manière dont la matière jeune devient vieille dans les organismes. La matière de l’univers ressuscité et des corps sera une énergie éternellement jeune, diaphane, parfaitement transparente aux beautés des différents états et mouvements spirituels. Ses formes seront l’expression la plus subtile des états spirituels, sa consistance sera pleine d’élasticité – pour employer un terme actuel.
L’univers transfiguré sera donc riche d’une beauté indiciblement fine et profondément expressive ; il en ira de même des corps, pour autant que la beauté sensible consiste en l’expression de la complexité infinie de l’Esprit à travers les formes matérielles, dans la transfiguration de la matière par la richesse infinie des dimensions de l’Esprit. Voilà pourquoi certains penseurs chrétiens affirment que la félicité éternelle consistera en la beauté.
Le christianisme croit en tout cas à l’éternité de la matière, en une matière inconditionnellement transfigurée par la puissance et la richesse infinies de la vie spirituelle et des énergies divines. Le christianisme admet une sorte de matérialisme mystique, il connaît une sainte matière. En effet, saint est le corps du Seigneur qui sanctifie nos corps ».
