Le Christ est ressuscité ! En ce temps du Pentecostaire, chaque page écoutée dans la célébration dominicale se rapporte à la soif et à l’attente du saint Esprit. L’image du paralytique nous apparaît comme le symbole de ce que nous sommes tant que l’Esprit saint n’est pas venu accorder à notre vie le mouvement et l’être. Le carême de Pâques nous a conduits à nous émerveiller de l’amour du Père manifesté par le Fils. L’essence même de l’amour, et le mode d’existence de la Divinité nous ont été révélés par le mystère de la Croix, signe de la victoire de l’amour.
Mais cette révélation sublime nous touche souvent de loin et ne porte pas encore de vrais fruits. Au contraire, la plupart d’entre nous, après Pâques, retourne bien vite à la vie considérée comme normale, à ses habitudes de comportement et de pensée antérieures au saint Carême. Nous apparaissons ainsi comme des paralysés, quoique, comme dans l’épisode que nous venons d’entendre, le Christ soit proche et à portée de voix.
Souvent dans l’Évangile la vie du corps signifie celle de l’âme. La paralysie corporelle montre la paralysie de l’âme et de ses facultés cognitives, sans parler de ses autres facultés. Notre intelligence (établir des relations significatives), notre raisonnement (réflexion et argumentation) et notre intuition (l’esprit, cette « fine pointe de l’âme », selon les Pères), ne seraient-ils pas paralysés ? La paresse intellectuelle, les habitudes de pensée, les préjugés, l’ignorance, la soumission à des lois, le conformisme intellectuel, la torpeur de l’esprit, la peur de la nouveauté, la servitude mentale, l’asservissement aux écrans, à des images qui remplacent la pensée… on peut trouver plusieurs causes à la paralysie de l’intelligence.
Le baptisé, pourtant renouvelé par le saint Carême, vit quelquefois de façon robotique, par ses habitudes, peut-être bonnes en elles-mêmes, mais nuisibles parce que nous nous y confortons. Souvent, il ne pense pas, il ne se soucie pas de connaître. Or, le Christ vient dans le monde et se rend présent dans son Église par le saint Esprit pour nous ouvrir à la nouveauté : l’appel « convertissez-vous » que nous entendions avant même le Carême concernait déjà l’intelligence et son renouvellement. Et voilà : sans vraie conversion, notre faculté de connaître à la fois Dieu, le monde, nous-mêmes et nos proches, est paralysée. L’infirmité de la pensée, la superficialité de notre mentalité font douter que les chrétiens soient vivants.
L’évangile que nous venons d’écouter avec attention dit que le Christ veut rendre à notre intelligence le mouvement et l’agilité qui l’ouvrent à la connaissance du Père par le saint Esprit ; qui font naître l’appétit de connaître la vérité de Dieu et du monde. Et lui-même, le Fils, insuffle le saint Esprit sur notre intelligence comme Il le fait de loin sur l’infirme physique. « Veux-tu guérir » de ta sclérose mentale, de l’incapacité de progresser dans la connaissance ? « Lève-toi ! », dit-Il, « éveille-toi ! », « prends le grabat » de ton intelligence, et « marche », pense, contemple, émerveille-toi, mobilise-toi et Moi, le Christ, Je t’illuminerai !
Le Christ veut nous donner son saint Esprit, le moteur de notre pensée, de nos idées, de notre créativité dans le domaine de la foi, ainsi que dans celui de la culture. L’Église, dont la piscine de Bethesda est aujourd’hui l’image, a été depuis ses premiers temps source de culture, d’intelligence, d’humanité, de changements sociaux et politiques, de transformation de la société par l’activité caritative de ses membres. Aujourd’hui encore, le Christ nous insuffle son Esprit de vie et d’intelligence pour que nous nous levions, que nous assumions notre culture biblique et que nous marchions comme des prophètes, des prophétesses, des créateurs, des inventeurs de liberté et de bonheur.
Vers quelle vie avec un grand V le Christ dit-il à notre intelligence paralysée de se mouvoir si ce n’est l’épanouissement, l’humanisation absolue et la divinisation par ressemblance à lui-même ? La Parole nous bouge, par sa propre puissance au sein des sacrements, par son étude et sa mémorisation ; par une vie de prière personnelle, par l’étude de la Tradition, par une célébration liturgique consciente et vraiment ecclésiale, par la quête de la beauté, de la vérité et de la bonté du Christ notre Sauveur !